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Procès-Verbal De La Réunion Virtuelle De La Commission Permanente Du FP SADC Sur La Démocratisation, La Gouvernance Et Les Droits De L’homme Organisée Le 26 Octobre 2020 Sur Le Thème « Promouvoir Le Rôle Du Parlement Dans La Lutte Contre La Corruptio

PRÉSENTS

  • Jerónima Agostinho, présidente Mozambique
  • Darren Bergman, vice-président Afrique du Sud
  • Josefina P. Diakité Angola
  • Leepeetswe Lesedi Botswana
  • Mabulala Maseko Eswatini
  • Angele Solange Madagascar
  • Deus Gumba Malawi
  • Ashley Ittoo Maurice
  • Chushi Caroline Kasanda Zambie
  • Dought Ndiweni Zimbabwe

ABSENTS QUI SE SONT FAIT EXCUSER

Hon. Maimane P. Maphathe                               Lesotho

Parlementaire                                                  Namibie

Hon. Balamage Nkolo Boniface                           RDC

Parlementaire                                                   Seychelles

Parlementaire                                                   Tanzanie

OBSERVATEURS

  • Titus Gwemende, responsable régional d’Oxfam International pour l’Afrique australe, chargé de la question des ressources naturelles
  • Ipyana Musopole, agent d’application des mesures anti-corruption, Organe chargé des politiques, des questions de défense et de sécurité, Secrétariat de la SADC
  • Tymon Katlholo, directeur général - Direction de la lutte contre la corruption et les délits économiques (DCEC), Botswana
  • Mme Pusetso Morapedi, directrice exécutive du Centre pour l’intégrité publique du Botswana (Réseau d’Afrique australe pour la lutte contre la corruption)
  • Glenn Farred, directeur exécutif du Conseil des ONG de la SADC
  • Mark Heywood, rédacteur en chef de Maverick Citizen, une section du journal Daily Maverick
  • Juge Oagile Key Dingake, ancien juge à la Haute Cour et à la Cour industrielle au Botswana, ainsi qu’auprès du Tribunal spécial résiduel pour la Sierra Leone, à la Cour suprême et auprès des tribunaux nationaux de la Papouasie-Nouvelle-Guinée
  • Stanley Nyamanhindi, directeur général de l’Association des avocats de la SADC
  • Dr Adane Ghebremeskel, GIZ et Agence autrichienne pour le développement (ADA)

ASSISTENT ÉGALEMENT

Mme Boemo Sekgoma, Secrétaire générale par intérim Secrétariat du FP SADC

M. Sheuneni Kurasha, secrétaire de la commission  Secrétariat du FP SADC Mme Samueline Kauvee                                            Secrétariat du FP SADC

Mme Paulina Kangiatjivi                                           Secrétariat du FP SADC

Mme Agnes Lilungwe                                                Secrétariat du FP SADC

M. Ronald Windwaai                                                 Secrétariat du FP SADC

Mme Veronica Ribeiro, membre du personnel           Angola

M. Rangarirai Machemedze                                     Rapporteur

 

La réunion débute à 9h45.

ORDRE DU JOUR

  • Pouvoirs des délégués et excuses.
  • Adoption de l’ordre du jour.
  • Allocution de bienvenue de la présidente.
  • Examen du procès-verbal de la précédente réunion qui s’était tenue virtuellement les 7 et 8 juillet 2020 et questions qui en découlent.
  • Exposés et débats sur les tendances en matière de corruption et le cadre pour lutter contre la corruption et renforcer la responsabilisation.
  • Exposés et débats sur la voie à suivre afin de mettre en place une approche collaborative pour prévenir, détecter, punir et éradiquer la corruption dans les secteurs public et privé dans la région de la SADC.
  • Examen et adoption d’une note d’orientation régionale sur la lutte contre la corruption et le renforcement de la responsabilisation au sein de la SADC.
  • POUVOIRS DES DÉLÉGUÉS ET EXCUSES

Il est confirmé que le quorum est atteint, de sorte que la réunion peut commencer, 10 des membres étant présents. L’assistance est également informée que trois parlements doivent encore être constitués après la tenue récente d’élections générales, à savoir ceux de la Namibie, des Seychelles et de la Tanzanie.

  • ADOPTION DE L’ORDRE DU JOUR

L’ordre du jour est adopté sans modifications à la suite d’une motion présentée par le Zimbabwe et appuyée par la Zambie.

  • ALLOCUTION DE BIENVENUE DE LA PRÉSIDENTE

La présidente souhaite la bienvenue à toute l’assistance réunie pour la séance de la commission permanente organisée, précise-t-elle, en amont de la 48e Assemblée plénière. Elle fait observer que, dans la mesure où il s’agit de la première réunion consécutive à sa propre élection et à celle de l’hon. Darren Bergman respectivement aux postes de présidente et de vice-président de la commission permanente, c’est le moment opportun pour elle d’exprimer des remerciements en leur nom à tous deux pour la confiance que les honorables députés ont bien voulu leur accorder afin de diriger la commission. Elle promet d’œuvrer à accomplir des progrès pour réaliser le mandat de la commission permanente au cours des deux années à venir.

Elle note la nécessité de se pencher collectivement sur la question de la corruption car celle-ci représente une des plus graves menaces pour la démocratie, compromettant le développement économique, sapant la confiance dans les institutions publiques et bafouant la justice sociale.

Elle rappelle à la commission que la réunion doit être envisagée dans le cadre d’une des missions dévolues à la commission permanente en vertu de la règle 42(d)(iv) du Règlement intérieur du FP SADC, qui consiste à « promouvoir les principes du respect des droits de l’homme, d’une gouvernance transparente et responsable, de la paix et de la sécurité au moyen d’une responsabilité collective au sein de la région de la SADC ».

Cette mission, mentionne-t-elle, coïncide avec les objectifs stratégiques 1 et 2 du FP SADC, tels qu’ils sont stipulés dans son Plan stratégique (2019 à 2023), à savoir :

  • « Promouvoir la coopération, la diplomatie et le dialogue sur des questions d’intérêt régional en vue de faire progresser la démocratisation et le développement socioéconomique pour les États membres de la SADC ;» et
  • « Œuvrer pour l’alignement, l’harmonisation et la création de liens opérationnels et institutionnels entre, d’une part, les commissions permanentes et les programmes du FP SADC et, d’autre part, les organes et les secteurs de la SADC, afin de promouvoir l’intégration de la région. »

Sur la question de la corruption, la présidente se dit consternée à la lecture des données établies par des travaux de recherche qui montrent une augmentation de la corruption dans les secteurs aussi bien public que privé dans la région de la SADC. Par exemple, elle relève que l’indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency International, qui note et classe les pays sur le plan mondial sur une échelle allant de 0 à 100, 0 correspondant à très corrompu et 100 à très propre, suggère que la corruption devient un phénomène de plus en plus répandu dans la région de la SADC.

Elle note que seulement quatre pays de la région de la SADC sont parmi les 20 à être les mieux classés en Afrique. Il s’agit des Seychelles (66), du Botswana (61), de Maurice (52) et de la Namibie (52). Les autres États membres ont obtenu une note inférieure à 50. Cela fournit une indication, dit-elle, quant à l’ampleur de la tâche qui attend la commission en matière de lutte contre la corruption et de renforcement de la responsabilisation.

Elle rappelle à l’assistance que le thème de la réunion, à savoir « Promouvoir le rôle du parlement dans la lutte contre la corruption et le renforcement de la responsabilisation par le biais d’un approfondissement de la collaboration institutionnelle avec les acteurs étatiques et non étatiques nationaux et régionaux engagés dans la lutte contre la corruption », est tout à fait opportun car il donne aux parlementaires et aux parties prenantes l’occasion de collaborer et de proposer des solutions collectives au problème de la corruption.

Elle exhorte les parlementaires à prendre en considération les demandes des citoyens en faveur d’une gouvernance responsable puisqu’ils sont les représentants élus du peuple. C’est ce qu’attend le peuple, dit-elle, et les parlementaires ne doivent pas trahir cette attente légitime, mais s’assurer que des actions soient entreprises pour lutter contre la corruption et renforcer la responsabilisation en mettant en place le cadre juridique pertinent et en exerçant une surveillance par rapport aux branches exécutives des gouvernements.

La présidente félicite la SADC pour avoir élaboré le Protocole de la SADC contre la corruption qui a été adopté en août 2001 au Malawi, destiné à aider les États membres à prévenir, détecter, punir et éradiquer la corruption et à coopérer sur les questions connexes. Elle fait remarquer que les États membres de la SADC s’étaient engagés à lutter contre la corruption, comme l’atteste le fait qu’ils avaient signé la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption et la Convention des Nations unies contre la corruption.

Les États membres de la SADC, note-t-elle, ont accompli des progrès réguliers dans la mise en œuvre de diverses mesures anti-corruption sous forme de lois, de politiques et d’institutions depuis l’adoption du Protocole de la SADC contre la corruption en 2001. À cet égard, de nombreux États membres ont créé des organismes publics ayant pour mandat, entre autres actions, de lutter contre la corruption. Cependant, malgré ces efforts, le niveau de corruption dans la région demeure élevé, observe-t-elle.

Il est donc nécessaire que les acteurs étatiques et non étatiques nationaux et régionaux engagés dans la lutte contre la corruption adoptent une approche collaborative, d’où la tenue de la réunion qui a pour objectifs de :

  • Créer une plateforme régionale systématique et régie par des règles claires pour promouvoir le rôle du parlement dans la lutte contre la corruption et le renforcement de la responsabilisation par le biais d’un approfondissement de la collaboration institutionnelle avec les acteurs étatiques et non étatiques nationaux et régionaux engagés dans la lutte contre la corruption ;
  • Sensibiliser au Protocole de la SADC contre la corruption et promouvoir sa ratification, sa domestication et sa mise en œuvre par les États membres ;
  • Élaborer une note d’orientation régionale afin d’informer les décideurs et les parties prenantes à l’échelle nationale et régionale dans la région de la SADC sur les stratégies pour prévenir, détecter, punir et éradiquer la corruption dans les secteurs public et privé, y compris la domestication et la mise en œuvre accélérées du Protocole de la SADC contre la corruption ; et
  • Élaborer des outils de connaissance à l’usage des parlements et des acteurs étatiques et non étatiques nationaux et régionaux engagés dans la lutte contre la corruption pour combattre la corruption et renforcer la responsabilisation dans la région de la SADC. 

Elle conclut son allocution en remerciant les divers experts pour leur appui et leur expertise technique. Elle exprime aussi la sincère gratitude de la commission envers GIZ et l’Agence autrichienne pour le développement pour leur soutien financier à l’organisation de la réunion et elle souhaite de fructueux débats à tous les participants.

3.1.   Motion de procédure – Félicitations au nouveau président des Seychelles

Après l’allocution de bienvenue de la présidente, l’hon. Kasanda de la Zambie présente une motion de procédure. L’honorable députée demande aux participants de féliciter officiellement S. E. Wavel Ramkalawan, un ancien membre de la commission DGHR, pour avoir remporté les élections présidentielles qui viennent de se tenir aux Seychelles. Elle se réjouit que le FP SADC et spécifiquement la commission aient fait émerger un président. L’hon. Kasanda estime que S. E. Ramkalawan est une personne humble et ouverte, dotée d’une remarquable intelligence. Les Seychelles ont de la chance d’avoir un tel président car il est déjà un grand leader.

Après cette intervention, l’honorable vice-président prend le relais pour présider la réunion, compte tenu des problèmes techniques rencontrés par la présidente en rapport avec la connexion Internet. Le vice-président félicite ceux qui ont occupé précédemment la présidence et la vice-présidence puisqu’il s’agit de la première réunion faisant suite à son élection.

Le vice-président félicite aussi le nouveau président des Seychelles. L’Angola appuie la motion présentée par la Zambie et félicite à son tour le nouveau président des Seychelles, lui souhaitant du succès dans ses nouvelles fonctions. L’Angola félicite aussi la présidente et le vice-président de la commission pour leur élection. Les honorables députés expriment leur engagement à les soutenir, prennent note de l’allocution de la présidente et demandent de bien vouloir faire distribuer des copies de cette allocution. Le vice-président fait observer que la corruption est un cancer qu’il faut combattre pour assurer le développement des pays de la SADC et améliorer le niveau de vie des populations.

Le vice-président remercie tous les participants pour leurs interventions et souscrit à la motion de procédure présentée. Il note que l’Afrique était en attente de nouvelles positives associées à une transition démocratique pacifique. Il ajoute que ce serait une bonne idée de publier sur Facebook un post félicitant également l’opposition aux Seychelles. Il fait remarquer que le mécanisme relatif à la loi type sur les élections élaborée sous la conduite de la commission porte maintenant ses fruits et se dit heureux que les Seychelles prennent la tête de ce qui devrait être un processus exemplaire.

La résolution demandant que l’on félicite le nouveau président des Seychelles est adoptée.

4.0    EXAMEN DU PROCÈS-VERBAL DE LA PRÉCÉDENTE RÉUNION QUI S’ÉTAIT TENUE VIRTUELLEMENT LES 7 ET 8 JUILLET 2020 ET QUESTIONS QUI EN DÉCOULENT

La présidente de la réunion est reconnectée et elle remercie la Zambie pour avoir présenté la motion de procédure et le vice-président pour son soutien afin de présider la réunion. Le procès-verbal est adopté sans modifications à la suite d’une motion présentée par l’Angola et appuyée par le Zimbabwe.

4.1.   QUESTIONS QUI DÉCOULENT DU PROCÈS-VERBAL DE LA PRÉCÉDENTE RÉUNION QUI S’ÉTAIT TENUE VIRTUELLEMENT LES 7 ET 8 JUILLET 2020

Abordant le point consacré aux questions qui découlent du procès-verbal, la commission note qu’il n’y a pas de questions soulevées.

5.0.   EXPOSÉS ET DÉBATS SUR LES TENDANCES EN MATIÈRE DE CORRUPTION ET LE CADRE POUR LUTTER CONTRE LA CORRUPTION ET RENFORCER LA RESPONSABILISATION

 

5.1    M. Titus Gwemende d’Oxfam International présente un exposé sur La corruption dans la région et le rôle du parlement et il note que la corruption comporte différentes dimensions, y compris :

 

  • De petits vols (larcins, détournement de fonds publics ou extorsion de fonds pratiquée par des fonctionnaires au contact des usagers).
  • Des vols importants (détournement ou appropriation illicite de sommes importantes d’argent public par les élites politiques qui contrôlent les finances de l’État, à l’instar de Sani Abacha, le dictateur militaire du Nigeria, qui avait siphonné un montant estimé à 4 milliards de dollars US de la banque centrale pour le virer sur ses comptes à l’étranger).
  • De l’argent servant d’accélérateur (petits pots-de-vin que des entreprises ou des citoyens versent à des fonctionnaires pour contourner des obstacles ou accélérer des démarches, à l’instar d’un supermarché standard qui doit obtenir quelque 40 permis faisant partie d’une liste impressionnante, ce qui force les commerçants à soudoyer de nombreux agents pour obtenir plus rapidement ces permis et les amène à rogner sur leurs faibles marges de profit).
  • De l’argent favorisant l’accès (ce qui englobe de fortes récompenses octroyées par des entrepreneurs à des responsables puissants, non seulement pour accélérer des démarches, mais aussi pour accéder à des avantages exclusifs et profitables, y compris à des contrats).

Il assimile les différentes dimensions de la corruption à des médicaments, en notant que toute forme de corruption est mauvaise mais que les petits vols et les vols importants sont comme des médicaments toxiques [ou le fait de boire de l’eau de Javel, une expression suggérée par Jordan Schneider], que l’argent servant d’accélérateur est semblable à des analgésiques et que l’argent favorisant l’accès agit comme les stéroïdes anabolisants, à savoir qu’il peut même aider quelqu’un à se développer rapidement mais qu’il s’accompagne d’effets secondaires graves qui s’accumulent au fil du temps. Il fait observer que l’argent favorisant l’accès fonctionne comme un système d’incitation qui pousse les responsables politiques et les détenteurs de capitaux à travailler ensemble, notamment quand des infrastructures massives impliquant des coûts irrécupérables considérables sont requises pour qu’une économie émergente puisse décoller. Cet argent sert à surpayer les détenteurs de capitaux pour qu’ils agissent en ce sens, à travers des prêts à intérêts réduits, des subventions, un soutien de l’État, et en retour on obtient une croissance fiévreuse qui permet de sortir les gens de la pauvreté, comme en Chine.

L'exposé met en lumière les tendances en matière de corruption dans la région et il aborde les différents domaines où cela est le plus perceptible. Sur le thème des inégalités, l’exposé note que le creusement des inégalités est un facteur majeur qui accroît les risques de corruption dans la mesure où il est considéré comme contribuant à un accès inégal au pouvoir et à l’exercice d’une influence permettant d’obtenir un avantage personnel. À long terme, ajoute l’intervenant, les experts soulignent que l’inégalité peut s’infiltrer profondément dans les systèmes de gouvernement et affaiblir davantage l’état de droit. Beaucoup d’experts considèrent aussi l’accroissement des inégalités de richesse comme la cause première du faible niveau de confiance dans les gouvernements.

Un autre vecteur majeur et décisif de la corruption signalé au cours de l’exposé est la technologie qui continuera à transformer le monde, y compris la corruption sous ses multiples formes. D’ici à 2022, mentionne l’intervenant, il est prévu de numériser 60 % du PIB mondial. En conséquence, nombreux sont ceux parmi les acteurs engagés dans la lutte contre la corruption à se sentir stimulés par les nouvelles opportunités offertes par la technologie. Cependant, à la réflexion, ils reconnaissent que les nouvelles technologies comme les cryptomonnaies et l’intelligence artificielle ouvrent des champs nouveaux pour l’exercice de comportements marqués par la corruption. L’énorme quantité de données personnelles stockées en ligne peut donner lieu à des abus si elle tombe entre les mains de personnes mal intentionnées et on peut s’attendre à ce que les flux financiers illicites s’accroissent, facilités par les réseaux de TIC.

L’exposé souligne aussi une tendance croissante dans la région, appelée de façon appropriée « la captation de l’État » impliquant « une situation dans laquelle de puissants individus, institutions, entreprises ou groupes, à l’intérieur ou à l’extérieur d’un pays, utilisent la corruption pour influencer les politiques, le cadre juridique et l’économie d’une nation afin d’en tirer avantage pour leurs propres intérêts privés ». Il fait observer qu’une telle captation d’institutions publiques par des particuliers afin d’influencer les politiques et les décisions publiques pour leur intérêt personnel est devenue un sujet de préoccupation majeure en Afrique (Lodge 2018 : 23). Cela a pour principale conséquence le fait que les intérêts d’un groupe spécifique se voient accorder la priorité par rapport à l’intérêt public dans le fonctionnement de l’État.

De façon similaire, la dépendance du gouvernement par rapport à de vastes réseaux clientélistes est considérée comme une caractéristique ordinaire dans certains pays africains. Ces réseaux clientélistes font partie des structures de pouvoir informelles qui déterminent ceux qui ont accès aux ressources publiques. Ces pratiques clientélistes, précise-t-il, impliquent les trois C, à savoir la cooptation, le contrôle et le camouflage.

Un autre problème caractérisé comme une atteinte à l’intégrité politique est le financement généralement opaque des partis politiques. L’expose cite un rapport de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale, qui relève une réglementation insuffisante du financement politique et des campagnes électorales dans de nombreux pays africains, ce qui facilite la poursuite incontrôlée d’activités de corruption associées au financement politique. Il en résulte que des financements politiques tenus secrets font courir aux partis et aux acteurs politiques le risque de se retrouver captifs, lorsque les donateurs secrets réclameront un « remboursement » une fois que les candidats qu’ils auront financés auront accédé au pouvoir.

Enfin, M. Gwemende indique à l’assistance que la propriété foncière est particulièrement propice à la corruption. Selon une étude de Transparency International, une personne sur deux est confrontée à la corruption lors des procédures relatives à l’administration de biens fonciers en Afrique, comparativement à une personne sur cinq dans le reste du monde. L’exposé fait observer que des investisseurs privés effectuent des transactions entachées de corruption pour accéder à la propriété foncière et pour éviter d’avoir à engager des consultations avec les populations concernées.

À la lumière des tendances susmentionnées, M. Gwemende exhorte les parlementaires à :

  • veiller à ce que les institutions publiques – y compris les parlements eux-mêmes – soient à ce point transparentes et responsables qu’elles soient en mesure de résister à la corruption ou permettent de la dénoncer rapidement ;
  • instiller dans les travées mêmes des parlements l’idée que les parlementaires ont le devoir non seulement d’obéir à la lettre de la loi, mais aussi d’être des modèles d’incorruptibilité pour la société dans son ensemble en mettant en œuvre et en faisant appliquer leurs propres codes de conduite ;
  • mettre en place une législation claire et équitable, comprenant une surveillance publique efficace eu égard au financement des partis politiques et des campagnes électorales. Il est particulièrement important que les parlementaires déclarent exactement leurs sources de revenus et de potentiels conflits d’intérêts.

Il conclut son exposé en soulignant la nécessité de remettre en question le système économique et le mécanisme de production appliqués par les États membres dans la mesure où ils jouent un rôle déterminant dans la corruption. Il convient de tirer parti de la capacité d’action des populations de la région et en Afrique afin de combattre la corruption. Lutter contre les inégalités et adopter des instruments nationaux et régionaux pour combattre la corruption, c’est là un moyen sûr de triompher du fléau de la corruption.

5.2.   Dans son exposé sur Un cadre régional pour lutter contre la corruption et renforcer la responsabilisation : présentation du Protocole de la SADC contre la corruption (2001), M. Ipyana Musopole du Secrétariat de la SADC souligne que le Protocole de la SADC a été adopté en 2001 et qu’il est entré en vigueur en juillet 2005. Le Protocole, note-t-il, fournit le cadre pour lutter contre la corruption dans la région de la SADC et, à l’heure actuelle, 13 États membres sont parties au Protocole (font exception Madagascar, les Seychelles et les Comores).

Il met en lumière les objectifs du Protocole, à savoir :

  • promouvoir et renforcer l’élaboration, par chaque État partie, des mécanismes requis pour prévenir, détecter, punir et éradiquer la corruption dans les secteurs public et privé ;
  • promouvoir, faciliter et réglementer la coopération entre les États parties pour assurer l’efficacité des mesures et des actions destinées à prévenir, détecter, punir et éradiquer la corruption dans les secteurs public et privé ;
  • encourager l’élaboration et l’harmonisation des politiques et des lois nationales des États parties relatives à la prévention, à la détection, à la punition et à l’éradication de la corruption dans les secteurs public et privé.

L’exposé présente un résumé de la structure du Protocole et met en lumière les dispositions des articles suivants :

  • Article 3 : Actes de corruption ;
  • Article 4 : Mesures de prévention ;
  • Article 8 : Confiscation et saisie ;
  • Article 9 : Extradition ; et
  • Article 10 : Coopération judiciaire et assistance juridique, l’accent étant mis sur la coopération entre les États parties dans les domaines de l’extradition, de la coopération judiciaire et de l’octroi d’une assistance juridique.

À propos du rôle du parlement par rapport au Protocole, M. Musopole fait observer que la domestication, qui consiste à adopter une législation nationale ou à mettre en œuvre d’autres mesures conformément aux accords auxquels le pays est un État partie, constitue une des fonctions principales des parlements. Il note que, s’il incombe sans doute à la branche exécutive qui signe ces accords de faire le premier pas vers la domestication, dans certaines juridictions, le parlement est impliqué dans la ratification qui ouvre ensuite la voie au processus de domestication. L’exécutif présente la législation ou propose des modifications à la législation existante pour se conformer à ce qu’il a signé. Le rôle du parlement dans ce cas, note-t-il, est d’examiner et d’appuyer la législation ou les modifications proposées en vue de faciliter la domestication en veillant à ce qu’elles soient pleinement conformes à ce qu’exigent les accords. (certaines dispositions nécessitent des mesures progressives réparties sur une période donnée, de sorte que la domestication peut être étalée dans le temps et ne pas être réalisée au moyen d’une législation unique).

L'exposé mentionne que les parlements ont, par rapport à l’exécutif, une fonction de surveillance qu’ils accomplissent principalement à travers les commissions de portefeuille/commissions permanentes, celles-ci jouant un large éventail de rôles comprenant l’examen de la législation présentée au parlement avant son adoption par le parlement au complet et l’exercice de la fonction de surveillance par rapport à l’exécutif. Il souligne que la fonction de surveillance peut aussi servir de mécanisme pour vérifier le respect par l’exécutif des accords régionaux et internationaux auxquels il a souscrit ou pour évaluer le progrès accompli eu égard au processus de domestication.

En outre, l’exposé précise le rôle du parlement pour assurer la tenue d’un débat national à propos de ce qui devrait être prioritaire ou de ce qui est le plus urgent du point de vue de la domestication étant donné que celle-ci doit s’appliquer à un grand nombre de sujets. Il cite des exemples montrant que des pays sont, en principe, parties à une pléthore d’accords, ne serait-ce que ceux portant uniquement sur la corruption (Protocole de l’Union africaine, CNUCC, etc.), de sorte qu’il est essentiel d’établir des priorités, surtout de la part des parlements.

L'intervenant conclut son exposé en conseillant aux parlementaires de manifester un intérêt soutenu pour les activités liées au renforcement de capacités destinées à les sensibiliser aux questions traitées, aux accords et à leurs implications eu égard à la nature des obligations que leurs propres gouvernements sont tenus de respecter en vertu de ces accords afin de leur permettre de faciliter le processus de domestication. Il indique qu’ils doivent aussi avoir accès aux informations relatives aux évaluations établies dans le cadre de rapports relevant de mécanismes d’examen à propos de leurs pays respectifs et des progrès que ceux-ci ont enregistrés, afin qu’ils puissent jouer un rôle pour faciliter l’action de leurs gouvernements de façon à accélérer le processus de domestication.  

À l’occasion des débats autour des exposés susmentionnés, la commission décide comme suit :

  • Elle exprime son appréciation eu égard aux exposés présentés par les deux intervenants d’Oxfam et du Secrétariat de la SADC et elle relève la nécessité, pour lutter contre la corruption dans la région, de déployer un effort de collaboration mobilisant toutes les parties prenantes, aussi bien les acteurs étatiques que non étatiques ;
  • Elle note avec inquiétude le haut niveau de corruption qui prévaut notamment dans les organismes publics, y compris au sein des services chargés de faire appliquer la loi, et elle convient que la corruption représente une menace existentielle qui entrave le développement de la région;
  • Elle réaffirme la nécessité de militer contre les sanctions imposées à certains pays de la région car celles-ci constituent un terreau qui permet à la corruption de prospérer;
  • Elle se dit déterminée à continuer de combattre les inégalités et rappelle la nécessité d’établir des règles équitables dans différents secteurs de l’économie pour veiller à ce que tous bénéficient de chances égales, ce qui prépare la voie à la lutte contre la corruption ;
  • Elle souligne l’importance de l’intégration régionale et de la coopération dans la lutte contre la corruption, en particulier pour la mise en œuvre des dispositions du Protocole ainsi que des lois nationales sur la corruption.

6.0.   EXPOSÉS ET DÉBATS SUR LA VOIE À SUIVRE AFIN DE METTRE EN PLACE UNE APPROCHE COLLABORATIVE POUR PRÉVENIR, DÉTECTER, PUNIR ET ÉRADIQUER LA CORRUPTION DANS LES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ DANS LA RÉGION DE LA SADC

 

6.1.   La commission souhaite la bienvenue au commissaire John Makamure, porte-parole de la Commission pour la lutte contre la corruption du Zimbabwe qui, au cours de son exposé sur le thème de la réunion, fait observer que le principal obstacle à la réduction de la pauvreté dans de nombreux pays en Afrique est la mauvaise gouvernance, qui comprend non seulement la corruption, mais aussi la piètre performance de responsables gouvernementaux dans leur gestion des ressources publiques. Cette mauvaise gestion des ressources publiques, précise-t-il, se traduit directement par une mise en œuvre médiocre de la fourniture de services publics, compromettant ainsi les politiques visant à réduire la pauvreté.

Il avise les participants de la nécessité d’une bonne gouvernance qui, dit-il, présente les principales caractéristiques suivantes : elle est participative, axée sur le consensus, responsable, transparente, attentive aux besoins, efficace et efficiente, équitable et inclusive et respecte l’état de droit. Il poursuit en expliquant que la bonne gouvernance consiste à s’assurer que la corruption soit réduite au minimum, que les points de vue des minorités soient pris en compte et que les voix des personnes les plus vulnérables dans la société soient entendues lors des prises de décision. Elle répond aussi aux besoins présents et futurs de la société.

À la lumière de ces remarques, le commissaire Makamure note que les pays de la région ont adopté une politique de tolérance zéro en matière de corruption. Cela signifie lutter contre la corruption, qu’elle soit grande ou petite. Si cela représente bien la voie à suivre, il fait observer que la grande corruption doit être farouchement combattue car elle implique un abus de pouvoir à un niveau élevé qui bénéficie à un petit nombre de gens aux dépens de la majorité et porte un préjudice grave et généralisé aux individus et à la société.

Tandis que l’exposé souligne les effets dévastateurs de la corruption sur le tissu économique, social et politique d’une société, le commissaire Makamure note l’existence de nombreuses parties prenantes qui détiennent la clef pour lutter contre ce phénomène, à savoir :

  • les organismes de lutte contre la corruption ;
  • les commissions indépendantes ;
  • la police ;
  • le judiciaire ;
  • le ministère public ;
  • les autorités fiscales ;
  • la banque centrale ;
  • le parlement ;
  • le vérificateur général.

Les participants sont informés que les organismes de lutte contre la corruption ne peuvent exécuter efficacement leur mandat constitutionnel qu’avec la collaboration accrue de toutes les principales parties prenantes, y compris le monde des affaires, le monde du travail, les églises, la société civile et les ONG de tous types, les établissements d’enseignement, etc. Ce constat a été encore renforcé par la reconnaissance de diverses parties prenantes dans les instruments essentiels qui établissent le cadre pour la lutte contre la corruption, à savoir la Convention des Nations unies contre la corruption, la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption et le Protocole de la SADC contre la corruption. Tous ces instruments mettent en évidence le rôle essentiel d’une approche collaborative dans la lutte contre la corruption. Il ajoute qu’une collaboration plus étroite avec les pays tiers est primordiale, notamment pour le recouvrement d’avoirs.

Pour étayer son raisonnement, le commissaire Makamure explique le type de collaboration que la Commission pour la lutte contre la corruption du Zimbabwe entretient avec divers partenaires et mentionne les protocoles d’accord qu’elle a signés, entre autres, avec la police de la République du Zimbabwe, le vérificateur général, le parlement du Zimbabwe, la cellule de renseignement financier, l’administration fiscale du Zimbabwe, le ministère public du Zimbabwe, le département d’immigration et Transparency International Zimbabwe. Par conséquent, la coopération entre les parties prenantes est reconnue comme étant absolument essentielle dans la lutte contre la corruption et ces engagements ont grandement aidé la commission à remplir son mandat.

Il informe aussi les participants que la collaboration et la coordination ont été renforcées grâce à l’élaboration d’une stratégie nationale de lutte contre la corruption qui a été officiellement lancée par Son Excellence le président E. D. Mnangagwa le 11 juillet 2020. À cet égard, note-t-il, la plupart des pays de la SADC ont une stratégie nationale de lutte contre la corruption et il poursuit en mettant en lumière certains des objectifs de ces stratégies, ainsi que les plans d’intervention énoncés dans la stratégie du Zimbabwe pour lutter contre la corruption.

Il conclut son exposé en mentionnant que les stratégies nationales de lutte contre la corruption doivent répondre aux besoins spécifiques d’un pays et prendre en compte les réalités locales. Comme il n’existe pas de solution unique pour combattre la corruption qui soit adaptée à toutes les situations, les stratégies nationales, note-t-il, doivent être fondées sur des données rigoureuses, une connaissance solide du cadre social, juridique et institutionnel propre à chaque pays ainsi qu’une évaluation réaliste des problèmes liés à la corruption. En outre, souligne-t-il, une bonne stratégie doit s’attaquer aux causes profondes et non pas simplement aux symptômes du problème.

6.2.   La commission écoute un exposé de M. Glenn Farred du Conseil des ONG de la SADC qui, dans sa contribution sur le thème de la réunion, note que la région de la SADC a fait des progrès pour promulguer le Protocole de la SADC contre la corruption. De ce point de vue, fait-il observer, de nombreux États membres de la SADC ont progressé dans la lutte contre la corruption grâce au cadre juridique mis en place. Cependant, relève-t-il, la capacité à poursuivre cette lutte est entravée par l’héritage historique dont les pays de la région continuent de souffrir même de nos jours.

Il estime que l’histoire particulière du colonialisme dans différents pays et la nature de la bureaucratie dont avaient hérité les États post-indépendants rendaient difficile la mise en place paisible de réformes. Par conséquent, cet héritage a conduit à cette situation déplorable caractérisée par un enracinement de la corruption, ce qui se traduit par :

  • La politisation des actions de lutte contre le versement de pots-de-vin et la corruption afin de régler des comptes, d’obtenir un avantage ou de discréditer des opposants, ce qui sape la confiance du public dans les mesures prises et les institutions (Botswana, Tanzanie, Afrique du Sud, Angola). Des actions sélectives et politiquement motivées n’ont pas d’incidence majeure pour résoudre les problèmes systémiques.
  • La suspension de médias et d’organisations de la société civile, l’emprisonnement, le harcèlement et la mise en œuvre de méthodes légales et extrajudiciaires pour museler l’information/les organisations anti-corruption. L’utilisation de conventions internationales et d’instruments tels que les mesures pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement d’activités terroristes afin de cibler des médias et des militants de la société civile avec, comme effet, de faire passer les initiatives des lanceurs d’alerte pour des actes « terroristes ».
  • Les cas abjects de corruption dont nous sommes actuellement témoins, alors que les ressources allouées à la lutte contre le Covid-19 sont largement pillées (des rapports indiquent que tous les États membres ont connu des cas de corruption liés au Covid).

Il conclut son exposé en suggérant une façon d’aller de l’avant qui intègre le fait que le Conseil des ONG de la SADC soutient fermement la responsabilisation de la société civile à travers la mise en place d’un cadre global pour une société civile indépendante, avec une législation appropriée, une autorégulation, des mécanismes pour la transparence et l’exécution (code de conduite et de déontologie, audits annuels, protections juridiques).

Il inscrit dans ce cadre la campagne « LA SADC QUE NOUS VOULONS » qui a réclamé que soient mis en place :

  • une cour régionale de justice et des droits de l’homme ;
  • un parlement régional ;
  • une autorité régionale (révision du Traité de la SADC pour réorganiser le Secrétariat actuel afin d’en faire un organe efficace de coordination et d’élaboration de politiques) ;
  • la libre circulation des personnes au sein de la SADC et de l’UA.

Il indique que le Conseil des ONG de la SADC propose qu’une unité de liaison et un cadre de participation soient institués par des OSC régionales et le FP SADC afin de faciliter la contribution de ces OSC au travail du FP SADC, permettant ainsi d’établir des liens structurés entre les parlementaires et des groupes de la société civile (soutien technique, sensibilisation et éducation du public, production de recherches et de connaissances, participation et plaidoyer).

 

6.3.   Mme Pusetso Morapedi du Centre pour l’intégrité publique du Botswana, représentant aussi le Réseau d’Afrique australe pour la lutte contre la corruption (SAACoN) ainsi que la Coalition d’Afrique australe pour l’éducation civique (SACEC), souligne la nécessité de l’éducation civique dans la lutte contre la corruption. Elle fait observer que l’existence de protocoles et d’autres instruments ne garantit pas que la corruption sera éradiquée à moins que et jusqu’à ce que les citoyens bénéficient d’une éducation civique à travers diverses approches, y compris l’intégration dans les programmes scolaires de dispositions contenues dans certains instruments.

Elle informe les participants que son organisation travaille en étroite collaboration avec les ONG de la SADC grâce à la mise en place d’un groupe de travail régional pour la lutte contre la corruption dont le mandat consiste, entre autres, à réunir diverses parties prenantes autour de la lutte contre la corruption.

6.4.   M. Mark Heywood, le rédacteur en chef de Maverick, dans sa contribution qui se place du point de vue des médias, note que la corruption est un problème mondial, qui se présente sous de nombreuses formes et qu’il ne s’agit pas d’un crime sans victime dans la mesure où elle conduit à des violations des droits de l’homme, au creusement des inégalités et à l’affaiblissement des capacités de l’État. Il donne des exemples du coût de la corruption en Afrique du Sud, ce coût étant estimé, dit-il, à des centaines de milliards de rands par an. Il déplore que l’objectif de « la captation de l’État » soit de faciliter la corruption. Pendant le Covid-19, les journalistes ont joué un rôle essentiel en dénonçant la corruption, par exemple, dans le cadre de l’achat d’équipements de protection individuelle.

 

Mark réaffirme aussi que la corruption constitue une menace pour la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD).

Il pose une question fondamentale : qui bénéficie de la corruption ? Il relève que la corruption n’est pas seulement un problème qui affecte les gouvernements et le service public, mais qu’elle est aussi profondément ancrée dans la conduite des entreprises privées et il en donne un exemple en se référant à une déclaration du Secrétaire général des Nations unies en 2018 : « Citant des estimations du Forum économique mondial, il avait dit que le coût de la corruption à l’échelle mondiale est d’au moins 2,6 billions de dollars, soit 5 % du produit intérieur brut (PIB) mondial, ajoutant que, selon la Banque mondiale, les entreprises et les individus versent plus de 1 billion de dollars en pots-de-vin chaque année. »

Il informe les participants que la lutte contre la corruption nécessite un leadership politique incontestable et qu’à cet égard le parlement à un rôle essentiel à jouer pour assurer :

  • le leadership ;
  • la législation ;
  • la surveillance ;
  • la responsabilisation.

Il réaffirme que le combat contre la corruption ne peut pas être remporté par le parlement agissant seul. Nous avons besoin d’un pacte social contre la corruption. Les journalistes et les médias sont des parties prenantes essentielles de ce pacte. La société civile a donc un rôle primordial à jouer pour assurer la surveillance et la communication d’informations, pour voir et entendre ce qui se passe au sein des communautés, protéger les ressources, réussir à organiser des actions et à éduquer autour du thème de la corruption, parvenir à changer la culture consistant à fermer les yeux sur la corruption, travailler en partenariat avec le gouvernement.

Il note, en particulier, l’importance des médias dans la lutte contre la corruption à travers :

  • la réalisation d’enquêtes sur la corruption et le fait de la divulguer ;
  • l’éducation et l’autonomisation des populations eu égard au cadre juridique qui entoure la corruption ;
  • le souci d’assurer la responsabilisation ;
  • la surveillance et l’appui apporté aux autorités chargées des poursuites ;
  • la capacité à garder en mémoire les événements ;
  • la révélation des conséquences de la corruption.

Il conclut son exposé en posant une question :

Comment le parlement peut-il soutenir les médias et, ce faisant, soutenir la lutte contre la corruption ?

6.5    Le juge Oagile Key Dingake, ancien juge à la Haute Cour et à la Cour industrielle au Botswana, ainsi qu’auprès du Tribunal spécial résiduel pour la Sierra Leone, à la Cour suprême et auprès des tribunaux nationaux de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, présente un exposé sur le rôle du judiciaire dans la lutte contre la corruption dans la région de la SADC.

Le juge Dingake déplore que la corruption prive de leur avenir la région de la SADC et le continent africain dans son ensemble. Il note que le coût social de la corruption est incalculable et incontestable. S’exprimant du point de vue du judiciaire, le juge Dingake observe que le système judiciaire représente la dernière ligne de défense contre toute atteinte aux droits et aux libertés en vertu de la loi. À cet égard, il souligne l’importance de l’indépendance et de l’impartialité du judiciaire, affirmant que ces qualités permettent au système judiciaire d’être davantage susceptible de se montrer efficace dans la lutte contre la corruption que s’il en était dépourvu.

Il réaffirme que la lutte contre la corruption est fondamentalement un projet politique dans la mesure où il appartient aux responsables politiques au sein de l’exécutif et de l’organe législatif de prendre l’initiative et d’inspirer confiance aux gens quant au fait qu’ils pensent ce qu’ils disent lorsqu’ils promettent une tolérance zéro en matière de corruption.

L'exposé souligne la nécessité de poser sérieusement la question : Nos dirigeants politiques nationaux respectifs qui mènent la guerre contre la corruption sont-ils crédibles ? Ont-ils la stature morale pour gagner la confiance de nos populations ? Sont-ils perçus comme étant corrompus ?

 

Par rapport à cette dernière question, il note que, si tel était le cas, gagner la guerre serait une tâche herculéenne. Cependant, indique-t-il aux participants, la tragédie cachée en Afrique qui permet à la corruption de se perpétuer est le fait que le profit issu des activités criminelles et les capitaux illicites constituent la matière première pour mener les campagnes électorales et acheter les élections, ce qui a pour conséquence de permettre aux cartels criminels d’acheter désormais à l’avance les gouvernements en puissance. Ce phénomène, dit-il, transforme les élites dirigeantes en ennemies de leur propre peuple parce qu’elles sont achetées à l’avance pour servir, une fois au pouvoir, les intérêts de ceux qui les parrainent.

L'exposé relève l’importance de plaider pour une réglementation des campagnes de financement, un sujet sur lequel les organismes indépendants de lutte contre la corruption et la société civile doivent se concentrer. Il exhorte le FP SADC à engager un débat autour de cette question pour ressusciter la démocratie dans la région.

Il met l’accent sur le fait que le profit issu des activités criminelles et les capitaux illicites qui financent les partis politiques détruiront tout semblant de démocratie existant dans la région. Il note qu’ils vont à l’encontre de la volonté du peuple et rendent inaudible l’expression de cette volonté.

Il souligne que le judiciaire par lui-même, quel que puisse être son degré d’indépendance, ne réussira pas à tordre le cou à la corruption tant que ne sera pas réglée la question politique, c’est-à-dire le déficit de démocratie qui permet à la corruption de prospérer.

Le rôle du judiciaire est présenté en détail et le juge Dingake signale qu’un système judiciaire indépendant et impartial est la pierre angulaire d’une démocratie et de l’état de droit. Il relève que ces valeurs sont essentielles pour gagner et garder la confiance du peuple.

Ainsi, fait-il observer, la construction d’un système judiciaire capable de lutter efficacement contre la corruption commence par la procédure de nomination des juges. C’est là un élément important car la sélection des juges peut avoir une incidence négative sur la mise en place d’un système judiciaire capable de lutter de façon crédible et efficace contre la corruption.

Il déplore le phénomène croissant d’affectation des cadres qui implique une situation dans laquelle la nomination de juges est effectuée en se fondant uniquement sur des considérations politiques et non sur le mérite, ce qui compromet l’état de droit et la lutte contre la corruption. Les nominations de juges fondées sur des considérations politiques sont par elles-mêmes une forme de captation du système judiciaire et doivent être fortement déconseillées.

À propos du cadre juridique approprié, le juge Dingake souligne que la plupart des pays en sont dépourvus. Parmi les lois appropriées susceptibles de contribuer à la mise en place d’un cadre juridique efficace pour la lutte contre la corruption, pourraient figurer celles qui :

  • criminalisent les activités de corruption ;
  • favorisent la transparence eu égard aux marchés publics ;
  • exigent des responsables publics qu’ils déclarent régulièrement leur patrimoine ;
  • repèrent et empêchent les conflits d’intérêts ;
  • protègent les lanceurs d’alerte ;
  • permettent de localiser, de saisir, de geler et de confisquer tous les gains illicites obtenus par la corruption ;
  • améliorent l’accès à l’information (permettant aux citoyens d’obtenir des informations de l’État) ;
  • définissent les principes fondamentaux qui déterminent la prise de décision dans l’administration publique (objectivité, impartialité, équité, proportionnalité, légalité et droit de faire appel) ; et
  • ont un cadre juridique qui permet de recourir aux litiges d’intérêt public.

 

Il conclut son exposé en relevant l’importance pour les parlementaires de s’appliquer à voter des lois qui peuvent aider à lutter contre la corruption. Nous avons besoin de lois qui protègent les lanceurs d’alerte, des lois sur la liberté d’informer, la déclaration de patrimoine, les conflits d’intérêts et les litiges d’intérêt public grâce auxquels des personnes autres que celles qui sont directement impliquées (des membres du public qui se sentent concernés) peuvent intenter un procès au nom du public.

6.6    Stanley Nyamanhindi de l’Association des avocats de la SADC informe les participants que la lutte contre la corruption constitue une des principales activités que mènent les membres de l’Association à travers :

  • Une collaboration officielle directe avec la SADC et les dirigeants des États parties pour exercer une influence en vue de la reconstitution du Tribunal de la SADC ou de la mise en place d’un tribunal suprême régional alternatif des droits de l’homme disposant d’une compétence pour les cas individuels, ce qui comprendrait aussi les questions liées à la corruption ;
  • L’entente avec les dirigeants des États parties afin de conclure des protocoles d’accord eu égard à la mise en place d’infrastructures relatives à la justice économique sur le modèle d’un Siège de la SADC pour l’arbitrage commercial et la résolution de différends en matière d’investissements. L’accord comprend aussi un partenariat pour la mise en place du réseau de bénévoles, permettant à l’aide juridique publique et aux structures judiciaires d’accéder au réseau régional de bénévoles de la SADC pour que des avocats supplémentaires apportent leur aide sur des affaires pour lesquelles le gouvernement est débordé, y compris sur des cas de corruption.
  • Des stratégies pratiques pour renforcer le respect des droits de l’homme et de l’état de droit à l’échelle nationale, régionale et internationale. Cela comprend la mise en place de plateformes et de procédures parallèles pour les acteurs aussi bien étatiques que non étatiques afin que des fondations solides soient posées sur lesquelles pourra être érigée l’infrastructure relative aux droits de l’homme et à l’état de droit dans la SADC. Il s’agit, en l’occurrence, du Réseau des lois dans l’intérêt public. Il est constitué d’un réseau de bénévoles dont les activités comprennent le recours aux litiges d’intérêt public, la représentation juridique à titre gratuit et l’aide au travail juridique transactionnel en vue de renforcer le respect des droits de l’homme eu égard aux groupes vulnérables. Une approche essentielle consiste à encourager la participation des grandes entreprises et les opérations d’investissement afin de s’assurer qu’elles continuent de servir à défendre les droits des populations locales et aident ainsi à lutter contre la corruption.

La commission délibère sur les six exposés et décide comme suit :

Elle félicite les intervenants pour avoir mis en évidence différentes dimensions de la corruption et la voie à suivre pour y faire face :

  • Elle salue les recommandations qui encouragent à sensibiliser les parlements et à les doter de capacités en matière d’accords, de protocoles et d’instruments nationaux et régionaux favorisant la gouvernance démocratique, ainsi que de leurs implications eu égard aux obligations que les gouvernements de leurs pays respectifs doivent honorer en vertu de ces instruments;
  • Elle réaffirme l’importance de l’éducation civique pour renforcer une approche fondée sur des données factuelles en vue de lutter contre la corruption, ainsi que le rôle des parlementaires pour assurer l’adhésion à des normes et des principes partagés grâce à l’éducation civique dispensée aux populations;
  • Elle est préoccupée par la lenteur avec laquelle s’effectue la ratification et/ou la domestication et/ou la mise en œuvre des accords/instruments nationaux, régionaux et internationaux auxquels les États membres sont parties, y compris le Protocole de la SADC contre la corruption, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, le Protocole sur l’entraide judiciaire en matière pénale, etc.;
  • Elle reconnaît le rôle des parlements pour assurer la mise en place d’institutions indépendantes qui soutiennent la gouvernance démocratique, ainsi que leur financement, y compris en ce qui concerne l’indépendance du judiciaire ;
  • Elle salue la recommandation sur la mise en place d’une unité de liaison et d’un cadre de participation pour les OSC et les parlements de la région afin de faciliter leur contribution au travail du FP SADC, permettant ainsi d’établir des liens structurés entre les parlementaires et des groupes de la société civile (soutien technique, sensibilisation et éducation du public, production de recherches et de connaissances, participation et plaidoyer);
  • Elle réaffirme l’importance d’instituer un comité ministériel (ou quelque autre forum) à l’échelle de la SADC pour surveiller la mise en œuvre du Protocole contre la corruption eu égard à l’harmonisation des législations et des mécanismes destinés à faciliter la coopération transfrontalière dans les enquêtes et les poursuites judiciaires relatives à des cas de corruption ;
  • Elle exprime son inquiétude face aux attaques qui ont visé les médias à travers la SADC, notamment pour leur rôle consistant à enquêter sur la corruption et à la dénoncer, y compris pendant la pandémie de Covid-19 ;
  • Elle réaffirme que les parlements luttent contre la corruption à travers leur rôle de surveillance destiné à assurer le plein exercice des droits civiques et politiques en protégeant (comme cela est stipulé dans les différentes chartes et les divers instruments):
  • la liberté d’expression ;
  • l’accès à l’information;
  • la liberté de réunion ;
  • la liberté d’association ;
  • la responsabilisation et des institutions publiques efficaces.

7.0    Remarques de clôture

Dans ses remarques de clôture, la présidente remercie les membres pour leur participation et leurs contributions constructives au cours des débats.

En l’absence d’autres points à examiner, la réunion est ajournée sine die à 16h20.

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Hon. Jerónima Agostinho                      Sheuneni Kurasha

PRÉSIDENTE                                      SECRÉTAIRE DE LA COMMISSION

 

Procès-Verbal De La Réunion Virtuelle De La Commission Permanente Du FP SADC Sur La Démocratisation, La Gouvernance Et Les Droits De L’homme Organisée Le 26 Octobre 2020 Sur Le Thème « Promouvoir Le Rôle Du Parlement Dans La Lutte Contre La Corruption

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